vendredi 21 mai 2010

Déjà morts

Nous sommes déjà morts, des dizaines de fois.
Sans le savoir.
Des dizaines de fois, nous nous sommes décomposés et recomposés.
De chagrin, de joie ; en quittant des proches, un lieu ; en étant expulsés de notre enfance, de notre jeunesse, ou accueillis en amitié ou en amour ; en tombant malades, en guérissant ; en étant abandonnés ou consacrés.
Décomposition de ce que nous étions, recomposition d’une autre personne ; nous et pas nous ; avec les mêmes ingrédients, mais un agencement différent.
Il y a aussi toutes les molécules de notre corps qui se renouvellent en quelques années (il me semble avoir lu ça quelque part, mais j’avoue que je n’ai pas vérifié à des sources scientifiques).
Morts et ressuscités, donc, régulièrement.
Bref, avec tout ça, pourquoi continuons-nous d’avoir si peur de la mort ? Parce que nous ne sommes pas assez conscients de ces permanentes décompositions et recompositions ? Peut-être bien. Essayons alors de tourner plus souvent notre esprit vers elles. De regarder plus souvent les nuages passer, apparaître, disparaître ; passer aussi le cycle des saisons. Accueillir toute cette impermanence encore plus joyeusement et profondément en nous…

Illustration : Henri Cartier-Bresson. Srinagar, Cachemire, 1948. Femmes musulmanes priant sur la colline Hari Parbal, en direction du soleil levant derrière l'Himalaya.