vendredi 7 mai 2010

Dors en paix, pépé


Bon allez, je ne peux pas résister, après mon billet d’hier, au plaisir de vous raconter un souvenir de mon enfance, un grand petit moment !
En face du Café Riche, où mon grand-père m’amenait souvent boire une grenadine, il y avait un de ces magasins qu’on appelait à l’époque un « bazar », c’est-à-dire qu’en gros on y trouvait tout ce qui n’était ni alimentation ni vêtements. Il y avait des balais, des cartouches, des casseroles, de la lessive, des peignes… et des jouets ! Plein de jouets, une vraie caverne d’Ali Baba.
À l’époque, on avait moins de jouets que les enfants d’aujourd’hui, alors on était encore plus fascinés par eux.
Un jour que nous nous baladions avec mon grand-père, nous tombons devant la vitrine du magasin, qui venait d’être refaite : fabuleux ! Une scène du Far-West, avec plein de « petits soldats » : un village indien avec une tente et des guerriers à pied et à cheval ; plus loin, des cow-boys qui s’approchaient, avec une diligence ; plus loin encore, un fort de soldats, genre Fort-Alamo.
Avec mon grand-père, nous nous arrêtons, et nous commentons la scène pendant un bon moment. Puis au moment où nous allons repartir, il me regarde avec un sourire bizarre, et il me dit : « viens, on va rentrer dans le magasin ». Comme il connaissait tout le monde à Ganges, je me dit qu’il va bavarder avec le patron. Mais une fois rentrés, je l’entends dire : « on prend toute la vitrine, pour le petit ! » Et nous repartons avec un grand carton où tout a été soigneusement déposé par la vendeuse…
C’est drôle comme la bouffée de bonheur intense qui m’a alors imprégné a fixé pour toujours ce souvenir dans ma mémoire. J’en ai évidemment plein d’autres de mon grand-père, mais avec le recul, c’est toujours celui-là qui m’impressionne et m’émeut le plus. Parce qu’il n’était pas riche du tout. Et que ce jour-là, il avait sûrement cassé sa tirelire, juste pour prolonger cet instant d’émerveillement enfantin que nous venions de partager tous les deux…
Merci pour tout Papi, c’était fantastique de t’avoir connu !

PS : En hommage à vos grand-pères, écoutez la fabuleuse chanson du fabuleux Claude Nougaro : Berceuse à Pépé. Et lisez ses paroles belles et sobres.