vendredi 22 octobre 2010

Télévision et gros crayons


Quand j’étais petit, on aimait encore la télévision.

Elle n’était pas critiquée et diabolisée comme aujourd’hui. Ni banalisée. Le poste de télé réunissait toute la famille, autour d'émissions tantôt populaires tantôt culturelles, que tout le monde regardait, puisqu'il n’y avait au début qu’une seule chaîne ; et puis quand il y en a eu deux ou trois, il n'y avait de toute façon qu'un poste de télé, les parents décidaient et la famille regardait...

Je me suis souvenu de tout ça l’autre jour, à Toulouse : alors que je cherchais des papiers dans le bureau de mon père, je suis tombé sur cette boîte de crayons de couleur, de gros crayons - un bout rouge et un bout bleu - dont il se servait pour souligner certains mots de ses fichiers ou dossiers.

Doucement bousculé par des bouts de souvenirs en désordre, je l’ai prise avec moi pour emporter un peu de cette époque, où le mot «télévision» était encore assez moderne et étincelant pour faire rêver et pour faire vendre. Pour apporter une touche de modernité à de bons vieux crayons de couleurs.

C’est bien fini, tout ça : la télé est devenue un objet de méfiance, et qui se sert encore de gros crayons de couleurs pour surligner ? À part moi maintenant, pour penser à mon père... C’est ma façon d’héberger un peu de douce nostalgie et de ralentir l’inexorable oubli. Et ça me fait plutôt sourire que soupirer : je suis content d'avoir vécu cette époque, télévision et gros crayons...

PS : comme un poste de télévision, PsychoActif va s'éteindre pendant deux semaines, le temps de prendre quelques vacances. Bonnes vacances ou bon courage, ou les deux. Et on se retrouve, si Dieu le veut, le lundi 8 novembre...

jeudi 21 octobre 2010

Pas d’altruisme triste


La psychologie est bien faite (du moins dans les périodes où ça tourne à peu près rond dans nos têtes).

Ainsi, rendre service aux autres nous rend plus heureux, et être plus heureux nous pousse à rendre service aux autres. De même pour ceux à qui nous avons rendu service : cela les rend un peu plus heureux (ou un peu moins malheureux), et les prépare donc à se tourner un peu plus facilement vers d’autres autres, et à les aider, etc.

Liens indissociables et réciproques entre altruisme et bonheur, donc. C’est sans doute pour ça que le bouddhisme insiste beaucoup sur le fait que la compassion a intérêt à être soutenue par la joie, pour ne pas faire souffrir la personne altruiste (ce qui finirait par tarir l’altruisme).

Nous avons à être altruistes et pas altristes : l’altruisme a tout intérêt à être joyeux, à ne jamais se couper de la joie d’aider. Il doit être basé sur l’affection pour les autres humains. Sur un désir sincère et heureux d’aider les autres. Rendre service en étant content de rendre service.

Les sinistres donnent des leçons de morale, les joyeux les mettent en pratique sans trop de discours. Supériorité de l’action sur la cogitation, et de la joie sur la tristesse..

Illustration : un petit cavalier joyeux (et altruiste ?) entrevu lors d'une visite au château de Rosenborg, au Danemark.

mercredi 20 octobre 2010

Écouter et parler

«Si nous avons deux oreilles et une seule bouche, c’est clair : cela signifie que nous avons à écouter deux fois plus que nous ne parlons.»

Je sais, ça n’a rien à voir, nous aurions pu aussi avoir, en tant qu'espèce animale, une seule oreille et deux bouches, ou six oreilles et pas de bouche, et avoir toujours cette irrépressible tendance à préférer parler qu'écouter...

Mais l'image est belle, et le message utile, non ?

mardi 19 octobre 2010

Complexes et déprimes


Cette semaine, je vais vous infliger un peu de publicité autocentrée, désolé. Pour celles et ceux que ça agace, vite, cliquez et fuyez.
Pour les autres, sachez que sort donc en librairie l'édition en poche de notre livre illustré avec Muzo, paru en 2002 sous le titre original "Petits complexes et grosses déprimes". Il s'appelle désormais, en version poche : "Je guéris mes complexes et mes déprimes"...
Il parle de mésestime de soi, de complexes, d'hypocondrie et de dépression. Et voici quelques-uns des dessins de l'excellent Muzo, qui parlent mieux que de longs textes, n'est-ce pas ?





lundi 18 octobre 2010

Quand on a tout perdu...


C’est un beau portrait de jeune homme du 17ème siècle, que l’on peut voir au Musée de l’Ermitage à Saint-Petersbourg, et qui est l’oeuvre d’un peintre hollandais peu connu, Michael Sweerts.

L’expression de son visage est très belle et subtile, mélancolique, à la fois fatiguée et soulagée. On ignore ce que le peintre a voulu exprimer dans cette oeuvre. On suppose aujourd’hui qu’il s’agit peut-être d’un autoportrait. Mais alors, pourquoi les accessoires autour de lui sont-ils non pas ceux d’un peintre mais ceux d’un banquier ou d’un agent de change : bourse, pièces, livres de comptes, encrier et plumes ?

En réalité, le premier titre du tableau était : «En faillite», ce qui permet de mieux comprendre - en tout cas de mieux imaginer - le pourquoi de ce visage (à la fois triste et souriant) et de cette position (à la fois épuisée et apaisée). L’homme est peut-être effondré par sa faillite mais soulagé d’en avoir fini avec ses soucis d’homme d’argent. Je me souviens à ce propos d’avoir lu il y a quelques temps une interview de l’escroc Carl Madoff, qui provoqua une catastrophe bancaire mondiale, et qui racontait avoir été «soulagé» par son arrestation (mais sans doute moins par sa condamnation à 150 ans de prison...).

Le peu que l’on sait de la vie de Sweerts est qu’il était psychologiquement fragile, et qu’il termina sa vie en Inde, comme jésuite. Sans doute que sa fragilité fut à la source de sa subtilité en tant que peintre...

Illustration : le portrait de L'Ermitage.

vendredi 15 octobre 2010

Confisqué !


Les enfants et adolescents sont presque tous "accros" aux écrans.
Ce n'est pas leur faute, notre société les y incite de manière déraisonnable. Alors c'est le boulot des parents (il me semble) de les protéger. Même s'ils ne sont pas du tout d'accord !

Notre deuxième fille vient d'avoir un portable pour son entrée en classe de seconde. Jusqu'alors nous avions refusé malgré ses protestations : elle était presque la seule de son collège à ne pas avoir de portable en troisième...

Mais nous nous sommes vite aperçus d'un autre problème : appels et surtout SMS déferlaient toute la soirée jusque tard dans la nuit. Alors nous avons pris la décision de récupérer le portable tous les soirs à 21 heures, pour éviter les interruptions et sollicitations à un moment où il vaut mieux s'apaiser que s'exciter.

Évidemment, nouvelles protestations déchirantes et argumentées, mais nous tenons bon.

Le premier soir, je récupère donc le portable, que je pose sur mon bureau, pendant que je bouquine. Un peu culpabilisé d'avoir fait un acte d'autorité qualifié de "complètement abusif" par ma fille... Mais ma culpabilité n'a pas duré longtemps : entre 21 heures et 23 heures, il y a eu une trentaine de bips et bruits divers émanant de l'appareil diabolique, et témoignant de l'intensité du trafic téléphonique à des heures inadaptées. Pendant ce temps, ma fille avait eu le temps de lire et de s'endormir. Et elle n'est pas prête de récupérer cet engin de malheur le soir. Pas avant sa majorité en tout cas.
Après, ce sera son problème...

Illustration : et c'est NON aussi après 21 heures !

jeudi 14 octobre 2010

Worry a bit...


C'est un porte-clés qu’on m’a offert récemment, avec cette maxime qui me ressemble (d’où le cadeau...). Traduction maison : «N’oublie pas de vivre. Garde la foi. Fais toi un peu de souci.»
Ça claque mieux en anglais : «Live. Believe. Worry a bit». Mais quelle que soit la langue, c’est tout à fait ça.
Pour moi et pour pas mal de monde, il me semble...

mercredi 13 octobre 2010

mardi 12 octobre 2010

Si proche et si lointains...


Beaucoup des personnes que nous côtoyons, même des proches, évoluent en fait, dans certains domaines de leurs vies, à des années-lumière de nous.

Je pensais à ça l’autre jour, en échangeant des mails avec un copain bouddhiste, à qui j’avais demandé un service. Comme je le remerciais, il me répondit : «aucun problème, en plus c’est bon pour le Karma».
Et il avait beau ajouter un petit smiley ;)) son évocation du Karma derrière un acte de gentillesse me rappelait soudain toute une vision du monde si importante pour lui, mais invisible dans nos rapports habituels. Tout à coup, une petite remarque déchirait le voile des apparences et me révélait de lui quelque chose de capital, que je connaissais mais que j’oubliais régulièrement au quotidien.

Et peu de jours après, en tombant par hasard un soir sur mon cher Matthieu Ricard dans l’émission de Frédéric Lenoir sur France Culture, je repensais à cela en l’écoutant évoquer sa rencontre avec la réincarnation de son maître adoré, Dilgo Khyentse Rinpoché. Là encore, rappel radical des convictions religieuses de Matthieu, avec qui nous discutons régulièrement de neuro-sciences plus que de bouddhisme lors de nos rencontres.

J’aime bien me trouver confronté à ce genre de moments, où on découvre la profondeur, la richesse, la complexité de ce qu’on appelle un humain ! C’est pour ça qu’on ne peut jamais s’ennuyer en faisant de la psychologie ou tout simplement en s’intéressant à ses semblables.

lundi 11 octobre 2010

Putain, putain, putain !


C'est une drôle de scène à laquelle j'ai assisté l'autre jour dans le TGV.

À quelques rangées de moi, une demi-heure après le départ de Paris, j'entends monter des jurons, à intervalles réguliers : "Putain ! Non, mais c'est pas possible ! Putain, putain, putain !" Et ça dure comme ça, sporadiquement, pendant un bon moment.
C'est un monsieur habillé en jeune cadre branché, assis tout seul, qui tempête devant son écran d'ordinateur. Tout le wagon jette des regards étonnés ("qu'est-ce qui lui prend ?"), inquiets ("est-ce qu'il va nous faire une crise de nerfs en direct ?") ou agacés ("il va un peu la boucler ce zozo énervé ?").

Puis le gars se calme tout seul. Au bout d'un moment, il se lève et va se chercher une bière au wagon-bar. Et il s'endort.

Je me demande sur quelle galère informatique il était tombé ? Et quelle vie ultra-stressante il doit avoir, pour se lâcher comme ça en public, devant tout le monde ? Moi, ça m'arrive aussi de m'agacer dur, surtout quand mon ordinateur me fait des misères, mais quand il y a du monde, je la boucle, je n'ose pas gémir et rouspéter à voix haute. Si je le fais, c'est in petto.

Lui il assumait : très fort en affirmation de soi, peut-être un peu moins en gestion du stress...

Illustration : des fois on s'énerve trop, et on fait n'importe quoi (photographie d'Elliott Erwitt).

vendredi 8 octobre 2010

Des hommes et des Dieux


J’ai beaucoup aimé ce film, et beaucoup de personnes l’ont aimé, si on en juge par les chiffres de fréquentation des salles où il est projeté.

J’ai beaucoup aimé le fond bien sûr (c’est un film sur la spiritualité et la fraternité) mais aussi la forme : pas de dialogues percutants et léchés, dont on sent qu’ils sont pensés pour frapper, mais des paroles simples, avec des silences, des hésitations, des répétitions, comme dans la vraie vie.
Pas de mouvements incessants de caméra, mais des plans fixes.
Pas de musique, sauf à un moment précis.
Ce moment qui m’a frappé...

Les moines sentent qu’ils sont condamnés et que s’ils restent, ils seront assassinés par les islamistes. Mais ils vont prendre la décision de rester, décision pas du tout héroïque dans son cheminement : ils ont peur, ils hésitent, ils se disputent même. Mais héroïque dans son aboutissement : ils restent, et dans sa motivation : ils restent parce qu’ils se sentent proches du destin des villageois qu’ils côtoient et qu’ils aiment et qu’ils ne veulent pas abandonner.

Alors, à un moment, alors qu’ils ont compris et admis cela, ils prennent un repas durant lequel un des moines de la communauté apporte deux bouteilles de bon vin, et un vieux magnétophone à cassette, et passe un extrait du ballet de Tchaïkowski, Le Lac des cygnes.
En général, je ne suis pas fan de la musique romantique : trop de pathos et trop d’emphase, fatigante et larmoyante. Mais là, ça marche totalement.
Pendant le repas, le cinéaste filme en gros plan les visages des moines, sur lesquels défilent tous leurs états d’âme : surprise au début, amusement, gravité, angoisse, apaisement, inquiétude, incertitude... Le tout en raccord parfait avec les oscillations de la musique, dont les débordements puis les apaisements sont ici parfaitement appropriés pour refléter et accompagner la violence et l’intensité de ce que ressentent les moines. Qui ont parfaitement compris que le geste de leur frère - vivre ensemble un moment de plaisir - était en rapport avec le destin tragique qui se profile pour eux...

Ils sont impuissants à empêcher le drame d’arriver, pour eux et l’Algérie, mais ils font le choix de la présence. Impuissants mais présents. Comme nous le sommes souvent dans nos vies, lorsqu’il s’agit d’aider autrui face à une adversité qui nous dépasse totalement...

PS : plusieurs internautes (lire les commentaires ci-dessous) m'ont à juste titre signalé (merci !) que les moines avaient peut-être été tués par l'armée, et non par les islamistes ; il y a effectivement dans le film une scène suggestive où un hélicoptère militaire survole sans raison apparente le monastère, très longuement, très près, et dans un vacarme menaçant, obligeant les moines, inquiets, à interrompre un office.

jeudi 7 octobre 2010

Vous voulez bien me gratter la tête ?


C’est un chien sur le divan d’un psychanalyste, qui, peut-être après des années et des années de cure, lui demande tout à coup : «Vous voudriez bien me gratter la tête ?»

J’adore évidemment le côté absurde du dessin, mais aussi tous les messages qui en découlent. J’adore cet humour qui parle de notre besoin inné de tendresse et de contact physique, qui finit toujours par déborder à un moment nos efforts pour les canaliser par des mots. Et j’aime qu’on me rappelle ce côté animal en nous, toujours déconcertant et parfois désopilant lorsqu’il resurgit aux moments où on ne l’attendait plus...

Illustration : Leo Cullum, The New Yorker.

mercredi 6 octobre 2010

Malheur puis bonheur

«Quand les conditions du bonheur sont enfin réunies, nous nous sommes trop bien adaptés à celles de l’infortune : trop de corne pour les voluptés promises à nos tendres muqueuses.»

Éric Chevillard, L’Autofictif du 24 septembre 2010.

Pas facile de se laisser aller au bonheur, quand on passé beaucoup de temps à se battre pour sa survie. C’est Alexandre Jollien qui en parle parfaitement dans ses livres : il appelle ça «l’après-guerre». Se battre contre le malheur ne prépare pas à savourer le bonheur. On pourrait parler de reconstruction de soi...

mardi 5 octobre 2010

Artiste ou banquier ?


Il y a 2 ou 3 ans, j’avais rencontré une une patiente étonnante, avec une drôle de vie et pas mal d’humour. Elle me racontait sa vie amoureuse (compliquée). Et notamment cela :

« Je n’ai jamais été vraiment raccord avec les hommes que je croisais. Par exemple, j’ai passé des années avec un artiste, un peintre fauché : quand j’étais avec lui, on on parlait tout le temps d’argent, jamais de peinture. J'ai fini par le plaquer, il était trop galère. Puis, je me suis mise en ménage avec un banquier, et avec lui, c’était l’inverse : on ne parlait jamais d’argent, mais tout le temps de peinture, on allait voir des expositions sans arrêt, on ne discutait que d’art...»

Ça ressemble à une histoire à la fois drôle et triste. Mais c’est c’est juste la vie qui est comme ça...

Illustration : Gallerie Sollertis, Toulouse.

lundi 4 octobre 2010

Festina lente


C’est un élève qui parle à son maître en méditation :

«- Maître, combien de temps me faudra-t-il pour atteindre la sérénité ?»
Long silence, puis le maître répond :
« - 30 ans.»
L’élève accuse le coup :
« - Euh... C’est un peu long. Et si je mets les bouchées doubles, si je travaille dur, jour et nuit, si je ne fais plus que ça ?»
Le maître garde le silence un long moment et finit par lâcher :
« - 50 ans...»

vendredi 1 octobre 2010

Plume d’ange


Si je vénère Claude Nougaro, ce n’est pas seulement parce qu’il est toulousain, comme je le suis. Pas seulement parce que je l’ai vu dévaler du toit du Capitole, le long d’une improbable tyrolienne, pour arriver sur un grand chariot de Carnaval, ivre mort et tombant à la renverse à chaque fois que le chariot redémarrait, entouré par une foule d’étudiants en liesse et eux aussi avinés, dont j’étais. Pas seulement parce qu’il fut peut-être le seul français à savoir chanter le jazz.

Je le vénère parce que c’est un de nos plus grands poètes. Jongleur de mots, cracheur de swing. Et son chef d’oeuvre poétique reste méconnu. Son chef d’oeuvre, c’est sa chanson Plume d’Ange.

C’est un texte sur la foi.
La foi, qui est plus belle que Dieu...

Voici les paroles.

Voici la musique.

Écoutez et jubilez.