lundi 31 octobre 2011

Vitesse et lenteur




Je me sens fort dans la vitesse et heureux dans la lenteur.
C'est pourquoi je préfère la lenteur…

Illustration : la couverture d'un disque mexicain : Aires de nuestros fieles defuntos. Force et bonheur comme antidotes à la peur de la mort ?

vendredi 28 octobre 2011

Humilité et changement


Par bien des aspects, notre esprit obéit aux mêmes lois que notre corps.

Lorsque nous souhaitons devenir plus souples ou plus forts, ou développer notre souffle pour pouvoir courir plus longtemps, nous savons bien qu’il ne suffit pas de le vouloir, mais qu’il va falloir travailler assidument et nous entraîner pour progresser dans ces domaines : assouplissements, musculation, courses à pied…

C’est exactement la même chose lorsque nous aspirons à être plus calmes, à mieux dormir, à ressentir moins de stress, moins de tristesses, moins d’agacements. Il va falloir le travailler au travers d’exercices réguliers. Mais lesquels ? La pleine conscience en fait partie : régulièrement s’arrêter de faire ou de se distraire pour simplement ressentir, exister, et observer l’écho du monde en nous. Mais il y a aussi le journal intime, l’examen de conscience, la modification effective et répétée de nos styles de pensée et de comportements (oser dire ce que nous pensons si nous ne le faisons jamais, oser dire des mots d’affection ou d’amour si nous n’en disons jamais, oser s’affirmer si nous ne l’osons jamais, etc.).

Et ce sera alors comme pour notre corps : car ce ne sont pas les concepts qui nous font du bien, mais leur pratique. Penser à la nourriture ne nourrit pas, penser à la marche à pied n'apaise pas : il faut manger et marcher. De même souhaiter être plus calme et plus stable ne s’obtient pas en souhaitant l’être, mais en y travaillant.

À la fin, ce sont nos actes qui nous changent : nos pensées ne font que nous conduire vers eux...

Illustration : d'abord comprendre, puis pratiquer... Une belle photo d'Henri Zerdoun, dont le blog vaut le détour.

mercredi 26 octobre 2011

La plume et l'oiseau


Paul Valéry écrivait : « Il faut être léger comme l’oiseau et non comme la plume ».

La légèreté dont nous rêvons est celle de la plume : sans efforts, liée à une nature permanente.

Mais elle nous expose à n’être que le jouet du vent.

Nous avons à construire la légèreté à laquelle nous aspirons. À la faciliter patiemment. Et nous pourrons ainsi plus souvent prendre notre envol.

lundi 24 octobre 2011

Ruminations


Ruminer, c’est se focaliser, de manière répétée, circulaire, stérile, sur les causes, les significations et les conséquences de nos problèmes, de notre situation, de notre état.
Quand on rumine, on croit réfléchir, mais on ne fait que s’embourber et s’abîmer.
La rumination amplifie nos problèmes et nos souffrances, réduit notre espace mental disponible pour tout le reste de notre vie (notamment pour les bonnes choses et les instants heureux). Et surtout, elle met en place de mauvais réflexes et de mauvaises habitudes : face à des difficultés, les ressasser, au lieu de les résoudre (même imparfaitement) ou de les tolérer en continuant malgré tout à vivre.

Pour savoir si nos réflexions sont des ruminations, il y a trois questions à nous poser :
1) Depuis que je songe à ce problème, est-ce qu’une solution est apparue ?
2) Depuis que je songe à ce problème, est-ce que je me sens mieux ?
3) Depuis que je songe à ce problème, est-ce que j’y vois plus clair, est-ce que j’ai plus de recul ?

Si la réponse (honnête !) à ces trois questions est « non », alors c’est que je ne suis pas en train de réfléchir mais de ruminer.

Dans ces cas-là, suprême humiliation, la solution ne viendra pas de mon esprit (« pense à autre chose ») mais de l’action : aller marcher, parler à un proche. M’efforcer de refermer le dossier, ou du moins, m’engager dans une autre activité pour qu’il n’y ait pas que cela à ma conscience. Ce qui aggrave la rumination : l’immobilité et la solitude. Ce qui l’entrave : le mouvement et le lien (mais attention à ne pas alors chercher les autres pour co-ruminer à deux !).

Autre solution : la méditation de pleine conscience. Accepter que mes ruminations soient présentes à mon esprit mais ne pas les laisser seules : les accompagner de la conscience de mon souffle, de mon corps, des sons, de la conscience de tout ce que je suis et de tout ce qui m’entoure. Plus compliqué que d’aller marcher. Mais plus efficace encore, à condition de s’être entraîné avant…

Illustration : de l'excellent Muzo.

PS : un internaute me fait remarquer que ce que je dis des ruminations ne s'applique pas aux obsessions que l'on rencontre dans certaines souffrances psychiatriques, comme le trouble obsessionnel compulsif (TOC) ; c'est absolument exact, merci de m'avoir rappelé de le préciser ici. Les obsessions du TOC, et les autres, nécessitent en général médicaments et techniques psychothérapiques spécifiques.

vendredi 21 octobre 2011

Sourires, larmes et rugby



Samedi dernier, en demi-finale de la Coupe du Monde de rugby, l'équipe de France a battu (de justesse) l'équipe du Pays de Galles. Après le match, il y a eu une conférence de presse. Et les visages parlaient bien plus clairement que les mots.

En haut l'entraîneur et le capitaine de l'équipe de France. Ravis. De vrais grands sourires, des yeux et de la bouche (ce qu'on nomme le "sourire de Duchenne"). Mais un peu embarrassés (voyez comment ils tortillent leurs doigts), car la victoire avait été laborieuse, et le jeu produit par les français, très médiocre.

En bas, les mêmes, mais côté gallois. Ils ont les lèvres pincées : ils sont furieux contre l'arbitre, mais se répriment pour ne pas trop le dire ; ça ne se fait pas au rugby. Le capitaine baisse les yeux, attristé et surtout culpabilisé (il s'est fait expulser pour brutalité après 20 minutes de jeu, ce qui a sans doute condamné son équipe, qui a fini le match à 14 contre 15). L'entraîneur le regarde avec un mélange de compassion et de déception, il ne sait pas s'il doit le consoler ou le réprimander. Et en fait, non, il ne le regarde même pas, il regarde dans sa direction ; trop agacé ou trop affligé...

C'est pas de la splendide commmunication non-verbale, ça ?

En tout cas, j'espère que dimanche midi, après la finale entre la Nouvelle-Zélande (les All Blacks) et la France, Lièvremont (l'entraîneur) et Dusautoir (le joueur et capitaine, toulousain) souriront toujours, même avec ce petit air embarrassé de ceux qui auraient dû ne pas gagner...

mercredi 19 octobre 2011

Gestion des conflits


« Ce n’est pas résoudre un conflit que d’aider un des adversaires à vaincre l’autre. »
Sigmund Freud

Illustration : "vous deux, là-bas, vous vous calmez tout de suite !"

mardi 18 octobre 2011

Dialogues sur la méditation


En cette fin d’année, et pour fêter la sortie de mon dernier livre, j'ai le plaisir de recevoir 3 amis pour des dialogues autour de la méditation :

- Matthieu Ricard sur le thème Méditation et Bouddhisme, le mardi 8 novembre,

- Thierry Janssen, sur le thème Méditation et Santé, le mardi 6 décembre,

- Fabrice Midal, sur le thème Méditation et Spiritualité, le mardi 13 décembre.

- Puis je conclurai le cycle tout seul, pour parler de Méditation et vie quotidienne, le mardi 20 décembre. Mais ce sera toujours un dialogue, cette fois avec la salle toute entière !

Ces rencontres auront lieu de 19h à 20h. Ça se passera dans un bel endroit, au 27 rue Jacob, à Paris : un lieu historique de l’édition française, ancien siège des éditions du Seuil, où vécut Ingres dont on peut encore voir un dessin à même le mur dans une des pièces du premier étage, et où résident actuellement les éditions des Arènes et de l’Iconoclaste (qui édite mon ouvrage Méditer jour après jour).

Vous êtes bienvenu(e)s et l’entrée est gratuite, mais mieux vaut vous inscrire au préalable, car le nombre de place est limité. Pour réserver, envoyez un mail au : info@27ruejacob.fr

Illustration : un invité est accueilli au 27 rue Jacob. D'après le tableau de Courbet "La Rencontre", à admirer au musée Fabre de Montpellier.

lundi 17 octobre 2011

Pleine inconscience


C’est mon cousin médecin généraliste dans le Sud-Ouest qui m’a envoyé l’autre jour une lettre dans laquelle figurait ce passage savoureux :

« Bravo pour ton livre sur la pleine conscience, mais tu devrais plutôt nous apprendre comment accéder à la pleine inconscience, pour le plus grand bonheur de nous autres les anxieux ! »

Je vais y réfléchir…

Illustration : un chevalier occitan endormi dans l'espérance de la résurrection, au splendide musée des Augustins, à Toulouse ; photo de Frédéric Richet.

vendredi 14 octobre 2011

Si je n’ai qu’un marteau...


Vous connaissez peut-être la phrase classique chez les psychothérapeutes (attribuée au systémicien Paul Watzlawick) : «If the only tool you have is a hammer, you tend to see every problem as a nail.» Traduction mot à mot : «Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous tendez à voir tout problème comme un clou.» Ou encore : «Pour qui ne possède qu'un marteau, tout problème ressemble à un clou.»

Autrement dit, si nous n’y prenons pas garde, les solutions que nous tentons d’apporter à nos difficultés ou à celles de nos patients, lorsque nous sommes thérapeutes, sont plus souvent inspirées par ce que nous savons déjà faire, ou ce que nous avons déjà sous la main, que par ce que la situation elle-même nécessiterait.

Certes, ce n’est pas toujours facile de s’en rendre compte, et d’avoir la prudence de se dire (et de dire à l’autre) : « je ne suis peut-être pas la bonne personne pour résoudre ce problème », ou : « ma méthode n’est peut-être pas la meilleure », ou encore : "nous allons essayer de résoudre déjà un petit bout du problème".

Car parfois, il faut bien faire tout de même quelque chose. Alors, le tout est de le faire avec sincérité et humilité. Mais dans tous les cas, en renonçant à nos rassurantes certitudes. Et à nos rêves de disposer du marteau universel qui résoudrait tous les problèmes et soulagerait toutes les souffrances.

PS : le titre de la célèbre chanson de Claude François, c’était : «Si j’avais un marteau» ; il n’avait pas envisagé la nécessité d’une boîte à outils plus complète... Et en voici une interprétation savoureuse…

mercredi 12 octobre 2011

Entre deux abîmes


« Le passé est un abisme sans fond qui engloutit toutes les choses passagères ; et l’avenir un autre abisme qui nous est impénétrable ; l’un s’écoule continuellement dans l’autre ; l’avenir se décharge dans le passé en coulant par le présent ; nous sommes placés entre ces deux abismes et nous le sentons ; car nous sentons l’écoulement de l’avenir dans le passé ; cette sensation fait le présent au-dessus de l’abisme. »

Cette phrase de Pierre Nicole, théologien janséniste, m’a beaucoup secoué la première fois que je l’ai lue (dans le livre de Pascal Quignard, justement intitulé Abîmes). Et elle continue à chaque relecture, me rappelant cet abîme au-dessus duquel sont construites nos vies, et l’écoulement incessant du temps.

Puis, passé ce moment d’effroi, que faire ? Respirer, sourire. Prendre la douleur et la crainte. Accepter que cela soit ainsi, continuer de contempler régulièrement l’abîme. Et regarder aussi tout le reste…

Illustration : une belle image d'automne, envoyée par quelque ami dont je n'ai pas pensé à noter le nom, et que je remercie à l'aveuglette. C'est à l'automne que cette conscience de l'abîme est la plus forte en nous, bien sûr...
PS : l'ami s'est manifesté : merci Frédéric !

lundi 10 octobre 2011

Narcisssisme : 1 ou 2 ?


Un jour, une discussion avec un copain qui s’aime bien. Nous nous voyons de temps en temps, quand et seulement quand il a un service à me demander. Ça pourrait m'agacer, mais il est drôle et me fait rire, alors je le vois tout de même avec plaisir.

Lorsque nous nous quittons, comme il a changé de fournisseur d'accès Internet, il me donne son nouveau mail.
C’est (j’ai modifié, évidemment, inutile de lui écrire) : 1pierredupont@xyz.fr
Je lui demande «Pourquoi le 1 ?»

Et lui, étonné de ma réponse : «Ben, il y avait déjà un pierredupont chez ce fournisseur d’accès. Je n’allais pas mettre pierredupont2, quand même ! Tu me connais ! Alors j’ai mis le 1. Et devant en plus !»

Nous éclatons de rire. Puis, après son départ, je repense à son histoire, et je suis rétrospectivement bluffé par son aplomb : les narcissiques m'étonneront toujours..

Illustration de "1 Muzo", le plus grand le plus fort (mais pas du tout narcissique).

jeudi 6 octobre 2011

Le monde de Christina


« Si l’on ne fait que jeter un coup d’œil en passant, ce tableau dépeint une scène douce et champêtre : une jeune fille allongée dans l’herbe regarde tranquillement un groupe de bâtisses juchées en haut d’une colline.
Mais si l’on s’arrête un instant, on voit, on sent que quelque chose ne va pas : l’herbe est trop roussie, comme une steppe infernale. Quelque chose ne va pas, vraiment : la maison est trop loin, trop sombre. Les critiques d’art nous expliquent que ce malaise, dans l’esprit du spectateur, vient de la perspective quasi-impossible, puisqu’on voit la jeune fille d’en haut, et qu’on voit d’en bas les maisons sur la butte. Dans ce cas, où sommes-nous donc placés ? Et puis, la jeune fille dégage quelque chose de bizarre, elle aussi.
Alors, on la regarde de plus près, on cherche d’où vient notre sentiment de malaise… »

J’ai toujours été fasciné par ce tableau de Wyeth, que je présente, au travers des lignes qui précèdent, dans mon dernier livre. Je me souviens très bien de ce jour où je l'ai vu pour la première fois, au MOMA, lors d’un voyage à New-York alors que j’étais étudiant.

Son histoire est passionnante, et l'une des meilleures introductions à cette œuvre figure au bout de ce lien. Je ne vous en dis pas plus ici, mais je vous invite à prendre le temps de vous y rendre, pour comprendre comment tout un univers est en général dissimulé derrière une peinture.

Et il en est de même de nos vies : un regard rapide sur elles ne permet jamais de deviner tout ce que cachent les coulisses, de souffrances et d'efforts. Certains jours nous aimerions que les autres se rendent davantage compte de ce monde que nous hébergeons. Et à d'autres, nous réalisons que c'est sans doute bien mieux ainsi, que chacun de nous garde ses secrets...

mercredi 5 octobre 2011

Y a-t-il des questions dans la salle ?


L’autre jour, à un colloque, la personne qu’on nomme le « modérateur » propose au public de poser des questions aux orateurs.

Et comme c’est un modérateur expérimenté, il sait que souvent, il y a des personnes qui demandent la parole non pour poser des questions mais se lancer dans de longs monologues durant lesquels elles exposent leur propre vision de ce que viennent d’aborder les conférenciers. Et souvent la salle rouspète, car du coup, même si c’est intéressant, il ne reste plus de temps pour les autres questions. Aussi, la loi est dure, mais c’est la loi : il faut s’efforcer d’être bref.

Mais je n’avais jamais entendu dire les choses comme le fit le modérateur ce jour-là, avec humour, malice et fermeté :

« Bien, nous allons donc commencer à prendre les questions de la salle. Alors je vous rappelle ce qu’est une question : c’est bref, et ça se termine par un point d’interrogation. »

Et ce jour-là, si je me souviens bien, nous eûmes droit à de vraies (et fort intéressantes) questions…

lundi 3 octobre 2011

Drôle de dédicace…


Ça s’est passé l’autre jour, alors que je dédicaçais mon dernier livre après une conférence. Il se passe presque toujours des choses lors des dédicaces : ce sont des moments de relative intimité entre lecteur et auteur, sous la contrainte du temps, donc souvent plus intenses qu’on ne pourrait l’imaginer…
Une dame sympathique mais avec quelque chose de spécial dans le regard et la parole s’approche, et me demande de remettre mes lunettes, que j’avais enlevées pour signer : « vous les aviez pendant toute la conférence, je ne vous reconnais plus, ça me trouble ! » Ça me fait rire, alors je les remets pour lui faire plaisir. Elle est ravie, et me demande alors sa dédicace :

- "C’est pour mon fils.
- Ah, très bien. Il apprécie la psychologie ?
- Non, non, pas du tout. Mais il a plein de problèmes.
- Je vois. Il va le lire sur vos conseils ?
- Sûrement pas ! Il déteste ça. C’est pour quand je serai morte.
- Pour quand vous serez morte ?
- Oui, chez moi il y a tout un rayon de livres de psychologie que j’aime bien et que je lui léguerai. Après ma mort, il viendra chez moi récupérer mes affaires, il tombera sur ce rayon, et quand il ouvrira les livres, il verra qu’il y en beaucoup qui sont dédicacés à son prénom. Ça devrait le motiver pour qu’il se mette à travailler sur lui ; il en a besoin, mais il lui faut un choc, il fonctionne comme ça.
- Ah… Euh… Bon… C’est quoi son prénom ? »

Elle était tellement bizarre, l’histoire de cette dame, que je ne savais plus que dire ; et puis la file derrière elle était encore conséquente, ce qui est une autre motivation à ne pas faire trop long. Mais c’était la première fois qu’on me racontait quelque chose comme ça.
J’espère que la dame ne va pas mourir trop vite, et surtout que son fils n’attendra pas sa disparition pour ouvrir son premier livre de psychologie…

Illustration : tout pleins de livres dédicacés dans une belle bibliothèque...