lundi 4 février 2013

La révélation de soi du psychothérapeute


Pendant longtemps, le modèle de relation psychothérapique issu de la psychanalyse a été dominant, tant chez les professionnels que dans l’esprit du grand public : un thérapeute était forcément un être silencieux et énigmatique, ne parlant jamais de lui, mais posant des questions ou observant le silence.

L’arrivée de nouvelles formes de thérapies a profondément remis en question ce modèle, et il est fréquent aujourd’hui qu’un thérapeute explique, réponde aux questions du patient, propose, encourage. Et, parfois, donne son avis ou parle de lui. Car la relation d’aide est un processus interpersonnel dans lequel la bonne alliance entre thérapeute et patient n’exclut pas un certain degré de complicité et d’échanges personnels, voire de révélation de soi.

La révélation de soi peut ainsi représenter un élément de la psychothérapie : le thérapeute peut par exemple exprimer ce qu’il ressent à certains moments de la séance (« J’ai l’impression qu’à propos de ce problème, il y a des choses que vous n’osez pas me dire : est-ce que je me trompe ? ») ; ou parler de ressentis qu’il partage avec son patient (« Cette inquiétude mêlée de tristesse que vous ressentez le dimanche soir, j’avoue qu’il m’arrive aussi de la ressentir. ») ; ou de carrément dévoiler certaines de ses épreuves personnelles (« Lorsque mon frère est mort, je me suis retrouvé dans un état proche de ce que vous me décrivez. »).

Mais cette révélation de soi ne marche que sous certaines conditions bien précises, qui nécessitent d’être respectées de la part du thérapeute :
– ce n’est qu’un ingrédient minoritaire parmi l’ensemble des techniques utilisées ; la thérapie n’est pas le lieu où le thérapeute parle de lui, c’est un espace de parole dédié au patient ; à ce titre, la révélation de soi joue le rôle du sel dans un plat : il en faut juste un peu ;
– le timing est centré sur le patient ; le thérapeute y a recours non pas quand lui-même ressent le besoin de parler de lui, mais quand il perçoit que le patient a besoin d’entendre une autre expérience humaine que la sienne ;
– elle n’a d’utilité et d’efficacité que dans le cadre d’une alliance thérapeutique déjà établie et bonne (sinon, elle peut être inquiétante ou déstabilisante pour le patient).

On peut noter que cette modification du style de relation en thérapie – le soignant n’est plus obligé d’adopter une position distanciée pour soigner – correspond à des évolutions sociales globales allant dans le sens de relations plus égalitaires dans tous les domaines (entreprise, enseignement, éducation…). S’agit-il d’une évolution vers des sociétés plus égalitaires et fraternelles que hiérarchisées et parentales, comme semblent le prédire certains sociologues ? L’avenir nous le dira, mais, en attendant, certains thérapeutes ont décidé d’anticiper ces évolutions dans leur manière de travailler…

Illustration : le café Freud, à Londres, en 2010.