lundi 30 avril 2018

Plaire ou séduire ?




Vaut-il mieux plaire ou séduire ?

Pour certains, séduire, c’est bien. C’est nécessaire, et même indispensable pour toute vie en société : un prof s’efforce de séduire ses nouveaux élèves, un salarié ses nouveaux collègues, un amoureux son amoureuse, ou une amoureuse son amoureux, etc.

Pour d’autres, séduire, c’est un mensonge, une tromperie : séduire, c’est se faire plus beau ou plus belle qu’on n’est, parce qu’on a une idée derrière la tête, ou ailleurs. C’est promettre sans se sentir toujours obligé de tenir ses promesses. C’est effectivement un peu manipuler, si on entend par manipulation une influence qu’on exerce sur autrui en s’efforçant de lui cacher ce qu’on veut obtenir.

Et la question, finalement, c’est de savoir s’il faut vraiment chercher à séduire, ou bien se contenter de plaire ? Une fois que le jeune homme a séduit sa petite amie, doit-il ensuite séduire ses beaux-parents, etc ? Ou bien peut-il juste se contenter de leur plaire ?

Il y a, me semble-t-il, dans la séduction quelque chose de calculé, de stratégique, une activité dirigée vers un but ; et aussi un mensonge - ou plusieurs -, et des calculs que l’on cache.

Dans le fait de plaire, il y a quelque chose de plus calme, mais aussi de plus franc : on se présente tel qu’on est, sans s’embellir, sans  promouvoir ses qualités, sans cacher ses défauts. Moins de mensonge avant, moins déception ensuite…

Plaire c’est ne rien promettre, séduire c’est s’efforcer de plaire en accéléré. Comme dans le Donjuanisme…, chanté par exemple par le talentueux et démodé Claude Nougaro. Dans le donjuanisme, qui peut concerner aussi les femmes, le plaisir de séduire ne peut jamais cesser, jamais se calmer ; on séduit pour amener autrui à soi, pour faire ce qu’on a à faire, puis on l’abandonne pour passer à quelqu’un d’autre.

Dans l’hystérie, qui peut concerner aussi les hommes, c’est l’angoisse de ne pas plaire qui pousse à vouloir séduire toutes les personnes qui nous plaisent, à érotiser tous les rapports sociaux, à beaucoup promettre sans jamais pouvoir donner.

Donjuanisme et hystérie sont les formes maladives du besoin de séduire, et induisent évidemment beaucoup de souffrances chez les victimes qui se font prendre au piège de ce genre de séduction à vide, sans la moindre intention de construire. Le moteur de la séduction ne s’arrête jamais de tourner, et nécessite un mouvement permanent, un recherche constante de   nouvelles cibles à séduire. Gare aux personnes fragiles, qui une fois apprivoisées se feront abandonner. Dans ces séductions pathologiques, on promet de beaucoup donner, mais en réalité on s’apprête à beaucoup prendre, on promet de construire mais on s’apprête à détruire.

Quand je vois quelqu’un en faire des tonnes pour séduire, je me demande toujours où est le problème ? Pourquoi tous ces efforts pour convaincre qu’on a du charme et de la valeur ? Pourquoi cette hâte, pourquoi ne pas attendre tout simplement de plaire ? Et supporter éventuellement de ne pas plaire ?

Mais bon, c’est parce que je suis psychiatre peut-être, parce que derrière toute tentative excessive de séduction, je sens le manque : manque de confiance en soi, manque de sécurité intérieure, manque d’intérêt réel pour autrui… Déformation professionnelle, peut-être. Ou peut-être pas, allez savoir…

Et vous, vous avez choisi dans votre vie, entre plaire et séduire ?

Illustration : un mariage au Canada, au siècle dernier. Se sont-ils mutuellement plus ou séduits ?

PS : ce texte reprend ma chronique du 17 avril 2018, dans l'émission de mon ami Ali Rebehi, "Grand bien vous fasse", tous les jours de 10h à 11h sur France Inter.